La photographe Olivia Lavergne au coeur de la végétation


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Fiction, O. Lavergne.
Dans l’œil d’Olivia Lavergne, la jungle prend des allures de paysage fantastique, oscillant entre les ocres et les tonalités verdoyantes, via son travail de mise en scène clair-obscur. Il est question d’exploration de territoire et de métamorphoses. Une végétation luxuriante et émouvante, à la fois intrigante ( voire inquiétante), onirique... aux mille lectures possibles, à la manière d’une œuvre picturale. De part sa maîtrise de la composition, la photographe saisit la nature entre réalité et fiction. Fiction, c'est aussi le nom de sa toute nouvelle exposition parisienne. 
L'occasion de m'entretenir avec elle et de vous la faire découvrir.

Peut-on dire que tes photos sont des tableaux photographiques ?
Dans les tableaux photographiques, le médium photographique renoue avec la tradition de la peinture. L'idée n'est pas d'imiter la peinture mais de créer un lien avec elle en y engageant un sens. Dans certaines de mes photographies en grand format, j'ai composé de la même façon qu'un peintre composerait une toile.

Te sens-tu proche d’artistes peintres comme le Douanier Rousseau ou d’autres ?
Nos démarches résonnent dans le sens où nous recréons tous deux de l'imaginaire et que nous avons sans conteste des sujets de prédilection communs.
Pour moi, les toiles du Douanier ont un aspect très contemporain!

D’où te viens cette passion pour la nature et pour la photo ? Qu’est-ce qui t’a poussé à en faire l’objet de tes recherches en photo ?
Cette passion pour l'image et pour la notion de nature me vient de l'enfance. C'est en une manière de renouer avec mes racines profondes. Il y a quelque chose d'instinctif dans ma démarche, je ne cherche pas à tout interpréter, c'est plutôt de l'ordre de l'intuition, de la perception et de l'exploration.

Comment règles-tu le paradoxe entre mise en scène et nature ?
À l'heure de la mondialisation et de la transformation incessante du territoire, peut-on encore parler de nature ? Je préfère parler de paysage en tant qu'il implique un processus de transformation. Dans le paysage, nature et société sont en constante interaction. Je vois le paysage comme un espace scénique, dans lequel je mets en situation un personnage ou la végétation d'un territoire. Ce qui m'intéresse c'est la représentation de l'événement qui se joue à l'intérieur du cadre de mes photographies. D'ailleurs, il y a toujours un concept de scénographie appliqué à l'image, ce qui me permet d'amplifier le caractère artificiel du projet et créer un rapport avec le spectacle. Il y a aussi l'idée d'une performance quand je réalise l'image.
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Ficiton, O.Lavergne
Comment crées-tu de l’intime au milieu de la végétation proliférante et quasi oppressante ?
Je ne cherche pas à créer de l'intime au milieu de la végétation. L'idée serait plutôt qu'en tant qu'artiste, je raconte une part de moi dans les images, je me dévoile plus ou moins et révèle une partie de mes propriétés.

Est-ce que ces paysages t’inspirent de la crainte, du réconfort ou d’autres sentiments ?
Dans le choix de ces paysages, il est question de ce que Walter Benjamin appelait "le lieu du crime". Certaines de mes images inquiètent celui qui les regarde; pour les saisir, le spectateur devine qu’il lui faut chercher un chemin d’accès. Il est possible de faire une image qui contienne à la fois ce qu'elle montre et ce qu'elle dissimule !
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Fiction, O.Lavergne
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Fiction, O.Lavergne
Petit à petit tu incorpores l’empreinte humaine dans ton travail photographique, soit en t’y incluant, soit en saisissant les traces du passage de l’Homme via des vestiges, qu’est-ce qui motive ce passage de la nature nue à la nature « habitée » ou plutôt « traversée » ?
Le personnage est une présence qui passe dans l'image, qui la traverse. Le personnage d'Olivia L. n'est autre que la photographe qui joue ici à traverser sa propre fiction.

Comment se passe une prise de vue, est-ce que tu réfléchis à l’avance à une mise en scène, est-ce que c’est un cadre qui lui fait prendre forme au contraire ? Combien de temps cela te prend-il, est-ce de l’instantané ou y a-t-il un temps conséquent de réflexion et de préparation ?
J'imagine en amont une scénographie appliquée à l'image mais c'est sur place que tout se joue. C'est l'acte ici et maintenant qui compte, au sents d'acte de résistance. Quand je réalise les images, je me sents toujours dans l'urgence et de surcroit s'y ajoute quelque chose de plus urgent encore, comme dans l'Idiot de Dostoïevski ou dans Les 7 Samouraïs de Kurosawa !
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Fiction, O.Lavergne
Il y a une dimension métaphysique dans tes images, si tu devais la transcrire avec des mots, toi qui es diplômée en lettres, qu’en dirais-tu ?
Qu'entends-tu par métaphysique ? Que mes photographies révèlent l'essence de la Nature, autrement dit la nature de la Nature ? Par une mise en lumière artificielle, j'en révèle certains aspects de sa forme et en dégage son essence. Je mets en lumière ses traits et en ce sens je donne à voir son caractère fondamental et essentiel. Enfin, je tente d'harmoniser paysage naturel et paysage culturel afin de redonner à l'environnement son essence d'oeuvre d'art.

Fictions
Olivia Lavergne
Jusqu'au 27 novembre
Galerie Insula
24 rue des Grands Augustins
75006 PARIS 

Fictions chez ARTE 
En parallèle, l'exposition se poursuit dans le hall d'accueil d'ARTE France jusqu’au 25 novembre : 8, rue Marceau   92130 Issy-les-Moulineaux  M° Mairie d'Issy  Ligne 12

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