XANAÉ BOVE EN INTERVIEW SUR L'EX-TAZ !

XANAÉ BOVE © Annakarin Quinto

XANAÉ BOVE EN INTERVIEW SUR L'EX-TAZ !
 Avec son documentaire Ex-TAZ, CITIZEN CASH (1987-1994), la réalisatrice Xanaé Bove est allée explorer les T.A.Z de la charnière 80-90, ces zones ultra libres et secrètes, dont Hakim Bey parla en 1980, qui ont fait vibrer toute une génération de technophiles étourdis par l'effervescence d'un mouvement naissant, aussi puissant qu'éphémère, laissant derrière lui des souvenirs embués et quelques mythes évasifs à l'instar de Pat Ca$h, l'étoile filante de cette période folle en fêtes spontanées. Un précieux souvenir pour toutes celles et ceux qui étaient là, un joli cadeau à la jeune génération qui pourrait elle-même s'inventer de nouvelles zones à conquérir, loin des courses Pokémon groupées, en coupant justement internet et le téléphone pour retrouver l'essence de la fête, dans cet ailleurs qui n'est pas forcément permis par la société moderne. C'est donc avec un certain plaisir que je partage cet échange empreint d'extase, un peu à la manière de celle de Sainte-Thérèse d'Avila, s'inclinant face à l'intensité de son plaisir. Pour ma part, c'est surtout celui d'un retour aux sources qui me donne envie de m'extraire du quotidien, pour aller explorer/faire vivre de nouvelles TAZ, disparues. Merci Xanaé de raviver la flamme techno-punk en moi grâce à ce film...
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L'affiche du documentaire de Xanaé Bove
Comment en es-tu venue à t’intéresser aux TAZ et que représentent elles
pour toi ?

J'ai toujours préféré la marge au centre et l'excentricité (littéralement : ce qui
est hors du centre) au conformisme, donc une appétence naturelle pour l'underground, dès que j'ai commencé à développer mes propre goûts, que ça soit les sorties, la culture, les rencontres. Je dirais vers 16 ans, mais en fait, même enfant, je préférais ce qui sort de la norme. L'Underground est une TAZ, soit -suivant la définition d’Hakim Bey dans son essai éponyme- : un espace de liberté éphémère – réel, virtuel ou imaginaire, voué à disparaître pour ressurgir ailleurs, une fois qu’il est trop nommé, exposé, médiatisé. Son livre-même, on en parlait beaucoup dans les 90s. Hakim Bey a su intelligemment mettre des mots sur ce que bon nombre de nous (travellers, ravers, squatters, teuffers, explorateurs, défricheurs, idéalistes…)  recherchions et pratiquions inconsciemment. Un peu comme M. Jourdain qui fait de la prose sans le savoir (Cf. Le Bourgeois Gentilhomme, ndr), on a découvert que certaines créaient, expérimentaient des TAZ sans en être conscients. Mon film reprend ça. Comme la plupart des héros de mon documentaire, j’ai connu différentes T.A.Z sans pour autant les nommer.
Elles représentent tout simplement, -mais c'est déjà beaucoup!-  des espaces de liberté et d'expérimentation.
 



Que se passe-t-il d’exceptionnel en 1987 qui fait surgir l’apparition des free parties et autres raves  et pourquoi selon toi, cela disparait petit à petit au cours des années 90 ?
Alors, 1) 1987 correspond à l’apparition des premières raves en Angleterre et non, free parties, un phénomène qui viendra ensuite  début 90 en UK, puis en France.
2) À Paris, les premières raves n’auront pas lieu avant 1989 grâce à Manu Casana, le robin des bois de la techno, qui les avait découvertes, précisément en Angleterre.
3) J’ai choisi ces dates car elle sont liées au parcours de Pat Ca$h : avènement, puis disparition au même moment (1994) où le visage de la nuit se modifie et pour en savoir plus, eh bien ! il faut voir Ex-TAZ Citizen ca$h(1987-1994) !...




Est-ce qu’on peut dire que le summer of Love (88) est un beau mélange de hippie et de punk ?



Entre autres,  le Summer of Love anglais  (1987) est une résurgence du Summer of Love hippie de 1967 et les jeunes ravers, des héritiers de l’esprit D.I.Y hippie, puis punk. Il y a une transmission du savoir-faire des ainés,  oui.
D’ailleurs, on retrouve beaucoup de recoupements passionnants (du moins, à mon humble et subjectif avis !) : Penny Rimbaud, du groupe punk autonome Crass (source d’inspiration pour la taggeur Popay, l’organisateur de raves Manu Casana ou encore… Pat Ca$h !) a été un des fondateurs du festival hippie de Stonehenge. Autre accointance  qui me ravit : les Spiral Tribes feront une de leurs premières free parties à Glastonbury ou Stonehenge, fief des festivals hippies qui, à leur façon, plantent les prémisses  des futures raves qui adviendront environ  20 ans plus tard.

En quoi la France s’est-elle différenciée du modèle anglais ?

Dans un sens, ca serait malhonnête de répondre à cette question car malgré mon amour pour l’Angleterre, je n’y ai pas vécu, même si j’ai assisté à des sublimes fêtes là-bas. Ensuite, je suis réalisatrice, pas historienne. Il me semble qu’au Royaume Uni, il y a davantage un sens du collectif et de l’organisation qu’en France. J’y ai vu des lieux se transformer en TAZ  en un temps record, franchement bluffant, peut-être plus rapidement qu’en France ? Je ne suis pas la mieux placée pour répondre, car je ne suis pas et n’ai jamais été non plus organisatrice.
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L'oeil de Ca$h en surimpression Champigny -Extrait du film.
Personnage insaisissable des nuits parisiennes : Pat Cash, pourquoi est-il devenu mythe… furtif ?



Parce qu’il est une bonne métaphore et du cross over de l’époque : il était dans toutes les galaxies -et pas qu’underground : hip hop, punk hardcore, funk, techno, mais aussi clubbing, jet-set, radio Nova… et de la TAZ : une fois trop exposé, il a disparu, renforçant la légende.
Enfin, sa liberté et son excentricité le rendent éminemment romanesque.
Après, je ne sais pas si c’est un mythe ? Ceux qui l’ont bien connu confirmeront –ou pas.

Que garde-t-on de cette période ? 
La techno !...

Est-ce que les TAZ existent encore aujourd’hui et si oui, sous quelles formes et où ? 
La zone d’autonomie temporaire  est éphémère, l’état d’esprit éternel. On peut espérer que, de tous temps, l’être humain aura besoin d’oasis de Liberté, de créer ses propres lieux.
La TAZ  peut être un squat, un hameau auto-géré, un festival, un site web, une soirée, un happening, même un banquet..

Le Burning man fait-il encore partie des TAZ par exemple ?
La définition-même de la TAZ comporte l’idée d’éphémère,  considérant que ce festival fête cette années ses 30 ans d’existence et est devenu très célèbre, non! Ça ne l’empêche probablement pas  de comporter des éléments extrêmes.

Le monde moderne avec sa circulation de l’info ultra rapide…ne permet-il plus de TAZ ?
  
Je pense et j’espère que tant qu’il y aura des êtres humains pensants et agissants, on se différenciera des zombies, robots... en cherchant à développer autant que possible l’autonomie, la différence.
Il faut faire circuler l’info autrement, revenir à davantage de secret, d’invisibilité. C’est ce que dit mon film. Se servir et subvertir les moyens de communication, comme l’a judicieusement suggéré Christophe Feray, un ancien du punk (lié aux Witches Valley, groupe culte fin 80) qui a participé à un des débats liés à Ex-TAZ.

De quelle façon la fête a t elle changé, comment perçois tu la fête d’aujourd’hui ?
D’une certaine façon, tu y réponds avec ta question précédente : la circulation de l’info a beaucoup modifié  la donne. Spécialement, la circulation de TROP              d‘informations. Maintenant, avant même d‘être à la « fête », tu peux avoir accès à tellement d’infos que tu te demandes à quoi bon y aller en vrai ? Déjà, tu as un aperçu topographique hyper précis : merci Googlemaps ! Puis, tu peux entendre tous les sets des DJS ou lives des musiciens via FB, soundcloud, mixcloud, etc… Si 2 ou 3 personnes sont déjà sur place, la publication de photos, selfies sur les réseaux sociaux, achèvera de te donner une idée de la soirée.
On a troqué nos libertés pour du soi-disant confort, de la sécurité et donc,
beaucoup plus de contrôle. Fin  80 et surtout durant les 90s, les gens étaient
libres de se mettre à l’envers sans être filmés, photographiés en permanence,
c’est quelque choses qu’ils fuyaient par-dessus tout !                                      
(Dans le premier débat au Saint André des Arts qui a diffusé  Ex-TAZ  en mars  et
avril, on  parle justement du Paris d’aujourd’hui avec l’équipe du film (image : Steph
Zemore ;  montage : Bruno Bervas et Nadine Verdier), Patrick Rognant, ex-FG et
Gwen Vinson,  ex-Fantom et le public.
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Conversation animée par Patrick Thévenin au Peacock Festival à Paris, autour du documentaire en présence d'acteurs des T.A.Z et de Laurent Garnier
Lors du débat ayant suivi la diffusion de ton film au festival Peacock, Laurent Garnier indiquait qu’il y avait actuellement une réelle effervescence musicale de qualité chez la jeune scène techno et électro, c’est aussi ta perception ?

Je pense que Laurent G est bien mieux placé que moi pour savoir ; il n’empêche que, je ne sais pas si tu te souviens,  mais en échangeant lors de ce débat, il a fini par avouer que tout cela n’est que du revival musical !

Où peut-on voir ton film prochainement ?








Le 15 octobre au Havre, sinon suivre les infos sur le site web EX-TAZ
et la  page Facebook du documentaire On peut aussi voir le teaser ici ou .

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